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Enquête en Pays de Bray 2009

vendredi 18 septembre 2009

La Loure a conduit en juin-juillet 2009 une enquête-sondage en Pays de Bray, dans sa partie Normandie (le Pays de Bray est à cheval sur les départements de la Seine-Maritime et de l’Oise). L’enquête, conduite en partenariat avec le syndicat mixte du Pays de Bray, visait à faire le point sur les traditions orales du territoire (chansons, musiques, danses, légendes...) et les contextes auquels ils étaient anciennement associés, notamment les moments clés du calendrier social.

L’enquête a duré 12 jours, sur les cantons de Neufchâtel, Londinières, Bellencombre, Saint-Saëns, Forges-les-Eaux, Argueil et Gournay-en-Bray. Au total, sur la durée de cette enquête-sondage, 59 personnes ont été rencontrées sur 19 communes.

Les enseignements de l’enquête

La musique la chanson et la danse

Tous les informateurs rencontrés ont mis en avant l’intérêt qu’ils portaient aux bals et à la danse. Et, de fait, il existe sur l’ensemble du Pays un certain nombre d’orchestres qui, encore aujourd’hui, prolongent cette tradition de danse. A la différence du Pays de Caux, tout proche, où la pratique de danses est des plus restreintes (il s’y est principalement conservé le souvenir de rondes chantées dansées au moment de la fête des Rois), le Pays de Bray tranche : la danse est présente chaque dimanche dans les bals initiés par des musiciens qui sont aussi souvent entrepreneurs de bal (et qui disposent par conséquent des chapiteaux adéquats) ou dans les cafés. Les témoignages recueillis avèrent une organisation ancienne (dès l’avant-guerre) en orchestres, organisés autour de l’accordéon, d’abord diatonique puis chromatique, à l’image de ce que l’on observe dans les milieux urbains au même moment. De ce point de vue, le Pays de Bray paraît prompt à la nouveauté. Les autres instruments autour de l’accordéon sont principalement la batterie et le saxophone ou la trompette, parfois la guitare.

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Orchestre "Franck" à Saint-Saëns. Collection Roger Boucher.

En matière de danse, il est intéressant de noter des couches superposées d’ancienneté très différentes : ainsi trouve-t-on une contredanse originale, appelée Les Olivettes, quasi-inconnue ailleurs en Normandie, dont deux témoins au moins (tous deux à Saint-Saëns) ont pu nous présenter tout ou partie des pas et des figures (ils ont d’ailleurs été filmés). Ces deux versions diffèrent singulièrement avec, d’une part, une forme simple et répétitive axée autour d’un trajet à effectuer autour de bouteilles qu’on rapproche au fur et à mesure des couplets de la chanson et, d’autre part, une forme beaucoup plus élaborée constituée de différentes figures dont une qui consiste de fait à contourner des bouteilles sans les renverser. Il nous a été fait mention de différents quadrilles. Le quadrille des lanciers, bien entendu, très répandu à la fin du XIXe siècle, mais qui trouve en Pays de Bray des poches de conservation assez tardives puisqu’il a été dansé encore dans certaines communes jusque dans les années 1960. Les témoignages rassemblés dans d’autres pays de Normandie au sujet de ce quadrille le réservent dans sa pratique à des danseurs éprouvés et le concentrent plutôt dans les milieux de la bonne société. En Pays de Bray, il est dansé par tout le monde, signe du goût prononcé des habitants pour des formes chorégraphiques assez complexes. D’autres quadrilles que celui des lanciers ont été mentionnés sans pouvoir toutefois réussir à en préciser les figures et les musiques. A côté de ces contredanses, se sont maintenues toute la génération de danses en couples fermés ou ouverts, apparues à partir des années 1840, telles que polka, mazurka, scottish et tous leurs dérivés (piquées, double...).

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Mazurka - jouée et montrée par Rémi Lemasle, de Saint-Saëns

Pour ce qui concerne la chanson, le bilan est moins prolifique. Le fonds ancien de chansons semble s’être perdu plus tôt que dans d’autres régions de Normandie. Il ne nous a pas été donné de rencontrer des chanteurs avec un large répertoire et même de personnes ayant connaissance de chansons traditionnelles, au-delà de simples fragments. Ces chansons de tradition orale rappellent parfois des souvenirs - on nous en a évoqué certaines par quelques extraits - mais elles semblent s’être perdues avec les générations précédentes. Les formules courtes comme les formulettes enfantines (très riches dans leur diversité) se sont toutefois mieux préservées et un certain nombre ont été enregistrées. De même, un autre type de formule courte retient l’attention par le fait qu’on ne l’a pas relevé ailleurs en Normandie à ce jour : les oriolas. Ces quatrains au ton piquant voire grivois étaient entonnés par les garçons vachers en charge de surveiller les troupeaux.

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Vaquer, vaquer - chanté par Lucien Besnard, de Buchy

Le calendrier social et les traditions populaires

Les moments clés du calendrier social

Parmi les moments marquants de l’année appelant des traditions particulières, le mardi gras était prétexte à l’organisation d’un bal masqué (Bellencombre). De manière plus large, la Semaine Sainte est citée pour les quêtes que faisaient les enfants de chœur à travers les paroisses au son des clapets (dits aussi criquets) ou des crécelles. Ces objets sonores en bois avaient pour objet d’annoncer à l’avance l’arrivée des enfants de chœur et d’inviter les paroissiens à préparer des oeufs ou quelques pièces de monnaie, objets de la quête. La présence de ces instruments a été relevée occasionnellement en Pays de Caux mais c’est sans comparaison avec le Pays de Bray où ils sont en usage dans quasiment toutes les paroisses rurales et ce, de manière assez tardive puisque ces quêtes pascales n’ont souvent cessé qu’au cours des années 1960.

Le 1er avril est, comme partout ailleurs en Normandie, l’occasion de jouer des tours aux commis ou apprentis, dans les fermes comme chez les artisans ou commerçants. On les envoie ainsi chercher la corde à braquer le vent, l’échelle à poser les plinthes... Au 1er mai, on trouve dans le nord du canton de Londinières (Preuseville) l’usage de déposer dans la nuit des bouquets aux portes des jeunes filles de la commune en âge de se marier. Selon qu’elles soient appréciées ou pas, le bouquet pouvait être de fleurs ou de chardons...

Les feux associés à la Saint-Jean, à la Saint-Pierre ou à la Saint-Christophe semblent mieux implantés dans les cantons de Bellecombre et Londinières (La Haize, Bosc-le-Hard, Les Grandes-Ventes, Preuseville...). Bénis par le prêtre, ils donnent lieu ensuite à des rondes (dont malheureusement nous n’avons pas de témoignages précis) ou plus récemment à un bal public. On accorde souvent à ces feux des vertus prophylactiques : on se préserve des maux de dos en se chauffant les reins contre le bûcher, on se prémunit de la foudre en conservant un tison non entièrement consumé (appelé aussi brandon) que l’on met dans l’âtre à brûler en période d’orage...

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Meule pour le feu à Bellencombre. Collection Philippe Marcel.

Même si le Pays de Bray est un territoire principalement herbager, des cultures s’y pratiquaient anciennement et donnaient lieu à des repas festifs à la fin de la moisson, que l’on appelle la parcé dans le canton de Bellecombre, la tarte dans le nord du canton de Londinières (Preuseville) ou la passé d’août dans le secteur de Mauquenchy. Autre repas festif, celui qui accompagne la tuerie du cochon, dans l’automne, appelé en plusieurs endroits la Saint-Cochon (Bellecombre, Sigy).

Les jeux

Dans le domaine des jeux, nous avons relevé d’anciens usages. Ainsi des jeux de bouloirs, mentionnés principalement dans le secteur de Saint-Saëns et Bellecombre. Ce jeu ne nous est pas connu ailleurs en Normandie. Il s’agit d’un jeu se rapprochant d’un jeu de boule avec un cochonnet (appelé quiot) et des camemberts en bois se pratiquant dans un terrain aménagé en terre battue avec des bords relevés sur chaque côté appelés banques. Autre jeu fréquent, le jeu de la butte qui est le nom local du palet. Il se pratique sur un bouchon.