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Une fête à part : les conscrits

vendredi 22 avril 2011

Une fête à part : les conscrits

Les occasions de se divertir dans l’ancien monde des campagnes sont, somme toute, assez nombreuses à travers le Bocage. Mais l’une d’elles singularise particulièrement le Mortainais ainsi que le reste du sud Manche : la fête des conscrits. Le trait spécifique de notre territoire ne tient pas tant dans l’existence de cette fête - que l’on retrouve un peu partout ailleurs - que dans tous les cérémoniaux auxquels elle a donné lieu en Mortainais.

Un peu avant leurs 20 ans, tous les jeunes hommes du pays étaient convoqués au chef-lieu de canton pour le conseil de révision. Il s’agissait de définir ceux d’entre eux qui étaient aptes ou pas à faire leur service militaire. A la sortie de cette inspection, le maire offrait souvent le repas aux jeunes de sa commune. Le photographe était ensuite requis pour immortaliser ce passage définitif dans l’âge adulte. Autour du maire, les conscrits posaient fièrement en arborant un certains nombre d’attributs de virilité marquant ce changement de statut : cigarette en main, fusils en évidence, cocarde ou divers colifichets sur le chapeau ou la poitrine (portant généralement des inscriptions telles que : Bon pour l’armée, bon pour les filles) et l’incontournable instrument de musique qui symbolise la dimension festive de ce rite de passage. Certains témoins nous ont ainsi indiqué que le photographe avait toujours un accordéon chez lui au cas où aucun des conscrits n’en jouait ; il le plaçait entre les mains de l’un ou l’autre le temps de la photo... Cet usage des photographies de conscrits n’existe pas, en Normandie, en dehors du sud Manche (sinon sur les franges des départements voisins). On le retrouve par contre dans tout le nord de l’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, montrant ainsi que les limites départementales ou régionales n’ont que peu à voir avec les traditions populaires anciennes.

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Les conscrits de Romagny (50) classe 1929. Coll. part.

Les suites du conseil de révision donnaient lieu à une tournée dans les maisons de la commune d’origine - qui pouvait durer plusieurs jours - au cours de laquelle les jeunes gars s’adonnaient souvent à une première et mémorable "cuite". C’est notamment lors de ces déplacements à pied qu’étaient entonnées toutes les chansons spécifiques de conscrits que nous avons évoquées précédemment. Les dimanches suivant le conseil de révision, les conscrits se donnaient de nouveau rendez-vous en allant porter des bouquets à toutes les filles de leur classe. Le repas, offert par la famille de chacune des conscrites, laissait généralement place ensuite à la danse.

Une autre pratique étonnante liée aux fêtes de conscrits est l’usage de "tirer la oie" (appelée également la pirote en Normandie). Au sein du Mortainais, elle n’a été relevée pour l’instant que dans la partie ouest, dans le canton de Brécey ou d’Isigny-le-Buat, mais elle est très répandue dans l’Avranchin tout proche. Les conscrits lâchaient une oie, sur un lac ou une mare, qu’ils devaient, chacun leur tour, tenter d’abattre à coup de fusil. Celui qui y parvenait se devait d’inviter ses comparses à manger, l’oie ainsi tuée tenant une place de choix dans le menu ! Différents témoignages montrent que l’affaire était arrangée à l’avance et, qu’hormis les cartouches de celui désigné pour accueillir le repas, les autres étaient chargées à blanc... Ce tir à la pirote a duré assez tardivement dans certaines communes car il a encore été réalisé par les conscrits du Grand-Celland en 1952.

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Conscrits de Villechien (50) classe 1954. A l’accordéon chromatique, Bernard Auvray, de Villechien. Coll. part.
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Conscrits du Fresne-Poret (50) classe 1929. Coll. part.

Le Mortainais ?

La chanson traditionnelle

La musique instrumentale

La danse traditionnelle